Le 22 septembre dernier, Samuel Eto’o annonçait sa candidature pour la présidence de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT). Il affirmait vouloir lancer le chantier de la reconstruction de notre football et réitérait son amour pour son pays. Élu délégué de la ligue régionale de football du Littoral avec 37 voix sur 39, sa candidature a été validée comme celle de 05 autres candidats à la candidature tels jules Denis Onana de l’épopée de la coupe du monde 90 et le président ( actuel intérimaire) sortant Seidou Mbombo Njoya, qui ont rempli les conditions d’éligibilité. Dans l’opinion, on voit déjà une bataille entre les deux anciens amis (face à Joseph Antoine Bell lors de la dernière élection) Eto’o et Seidou. Cette élection s’annonce tendue, mais pourquoi Eto’o peut faire peur ? revisitons ensemble ses atouts et faiblesses à la quête de Tsinga.
Dans son projet intitulé «la restauration de l’image du football camerounais», il est temps de redonner au football camerounais sa grandeur, «…nous ne pouvons plus différer la modernisation de notre sport-roi car le reste du monde ne nous attend pas, il avance sans nous. Il s’agit de relancer les championnats locaux en leur assurant régularité, attractivité et visibilité ; restaurer l’esprit de conquête au sein des sélections nationales et redonner de la confiance aux ressources humaines « pour que talents et encadreurs aient une croissance simultanée et pérenne…». Son projet fondateur est ambitieux, vise à démocratiser et moderniser la gouvernance de notre football, mais aussi une bonne campagne de promotion.
Après la nomination du journaliste Jean Bruno TAGNE (auteur des ouvrages : Programmé pour échouer, Accordée avec fraude et La Tragédie des Lions Indomptables) comme directeur de campagne, Samuel a nommé un responsable média et porte-parole. Il s’agit de Ernest Obama Nana, l’ex directeur général de Vision 4, qui après le fiasco de la Coupe du Monde 2014, avait sorti son premier livre pour disculper dans son entièreté le capitaine de la sélection d’alors, qui était accusé d’avoir plombé la campagne des Lions Indomptables. Dans son livre «Tout est pardonné», il a expliqué ce qu’il a appelé la cabale ourdie contre Samuel Eto’o. Il travaillera à l’animation de la campagne en étroite collaboration avec son confrère, un duo d’attaque : Tagne-Obama. Le premier était vu hier comme l’ennemi de Samuel, pour ce dernier « l’heure est venue pour nous de sortir de la critique pour proposer quelque chose » a-t-il déclaré pour convaincre Jean-Bruno. Il est donc clair que le candidat est dans une campagne de séduction de la population et des médias, puisque même sa candidature aurait été le fruit d’un appel du peuple, sauf que ce n’est pas un scrutin universel direct que nous aurons à la Fécafoot, mais une élection de moins de 100 délégués.
Eto’o a publié sa rencontre avec son «frère», le président de la FIFA Gianni Infantino. En effet, le 6 octobre dernier, l’ex-footballeur était reçu en Suisse par le patron de la FIFA. Nul doute qu’il tente de s’assurer le soutien de l’Italo-Suisse. Il peut compter sur une crise qui, depuis plusieurs mois, agite la Fécafoot. Elu en 2018, Seidou Mbombo Njoya a été contesté par plusieurs dirigeants du football camerounais. Son scrutin avait été annulé par le TAS, mais resté en place jusqu’au 11 décembre prochain par la FIFA.
D’un autre côté, Samuel Eto’o a adopté un discours offensif, il sait peut-être que ses chances sont minces. Affirmant être « déçu » du mandat de Seidou Mbombo Njoya, l’actuel président de la Fécafoot, il l’a d’ailleurs sévèrement taclé lors du dépôt de sa candidature devant une foule à sa faveur et déclarait «…le candidat d’en face a lamentablement échoué… » oubliant au passage qu’il était celui-là qui l’avait soutenu pour sa victoire. Il n’a pas manqué de le souligner lors de sa déclaration de candidature en ces mots «…Il y a trois ans, j’ai soutenu un projet qui, selon moi, semblait prometteur pour l’avenir de notre football… » par la même occasion il reconnait cet échec. La seule façon pour Samuel de perdre cette élection pour lui c’est de voir Mbombo Njoya la truquer. Il a dénoncé des irrégularités lors les élections départementales et adressé une lettre au ministre des Sports, entre falsifications aggravées et des menaces proférées à certains présidents et promoteurs des clubs, les conflits d’intérêts du président par intérim et de plusieurs membres du comité exécutif intérimaire de la Fécafoot, qui sont à la fois juges et parties en étant candidats à des postes d’élus à ces élections. Ce manque de sérénité du goleador n’est pas de nature à rassurer sur sa victoire.
Outres ces réactions, Eto’o affirme que le scrutin sera une mascarade électorale fomentée par l’exécutif actuel dans l’unique but de se maintenir aux affaires, et bien que bénéficiant d’une certaine aura dans le milieu du ballon rond, Samuel dispose d’un passeport espagnol depuis 2007 et ne s’est pas encore expliqué sur cette question. C’est dire qu’entre les pelouses des stades et les bureaux de la Fécafoot, il y a un fossé. Il lui faudrait peut-être un soutien politique. Eto’o, mise sur ses contacts en ces termes : «Je viens dans l’administration du football camerounais pour attirer les financements extérieurs et non pour amenuiser par des charges inutiles, des recettes déjà très chétives». Il fait une promesse «Je présente ma candidature avec l’engagement sans précédent de ne pas empocher un centime des indemnités prévues pour le poste de président de la Fédération. Ces fonds seront alloués au développement du football amateur».
Dans cette bataille entre ex-alliés, la FIFFA et la CAF ne soutiennent pas Eto’o, elles lui auraient demandé de retirer sa candidature, ce dernier a refusé. En l’espèce, convoqué à Kingshasa par des représentants de la CAF et de la FIFA pour renoncer à la quête du poste de président de la Fédération camerounaise, il a boycotté lc conciliabule. Un compromis devait être trouvé entre les deux principaux acteurs, Véron Mosengo Omba SG de la CAF, son homologue de la FIFA Mathias Gratsform et quelques caciques du régime de Patrice Motsepe devaient aussi être parmi les protagonistes. Une sorte de remake de la dernière élection à la CAF qui était un consensus. A la charge du Pichichi également, le contenu du livre programmés pour échouer de son désormais directeur de campagne, plusieurs dossiers chauds du football camerounais y sont aussi évoqués, l’affaire du capitanat en 2009 avec Rigobert Song, le drapeau. Les dérives et les frasques de Samuel Eto’o, capitaine des Lions indomptables lors de la Coupe du monde 2010. «Au lieu de rassembler en tant que leader, c’est lui qui actionne les leviers de la division dans le groupe» comme on peut lire dans cet ouvrage. Ce qui peut remettre en cause le leadership de ce candidat tant adulé par le peuple, sa capacité de management administratif d’une instance aussi sollicitée. Sur le choix de jean-bruno Tagne, le député suppléant du Rdpc Alain Roosevelt Tidjio pense d’ailleurs que «Prendre un criticologue spécialiste du pessimisme à outrance est assez osé. Pour lui rien n’est jamais bien sinon tout est noir ou mauvais… Samuel Eto’o est un mauvais capitaine». Pour ses détracteurs et ceux de la BAS (brigade anti samuel Etoo), il portait encore des godasses il y a deux ans et ne serait pas l’homme de la situation .
Le 11 décembre, le scrutin risque lui aussi se dérouler sous haute tension. Mais avant, une sentence du TAS pourrait venir modifier le calendrier, puisqu’une sentence de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage (CCA) du CNOSC y est en appel, elle portait sur la suspension du processus électoral à la Fédération. A côté de celle-ci, l’Exécutif Provisoire dirigé par le Pr Albert Mbida lui aussi reste en embuscade.
En annonçant sa candidature, Samuel Eto’o indiquait que son ambition est d’assainir le football camerounais. C’est exactement ce dont a besoin notre fédération, son programme est présenté comme une sorte de plan Marshal du football. Ainsi il devra faire entre politique et alliances contre nature, car comme le disait Ateba Eyene : «les textes de la Fecafoot sont rédigés de telle sortent que même si Barack Obama (président du pays le plus puissant au monde) ou Jésus-Christ (messie du monde) était candidat face au président sortant il ne saurait gagner». Malgré son palmarès, le lion indomptable fait figure d’outsider. Mais au soir de l’Assemblée Générale élective nous en seront fixés sauf changement de dernière minute. Dans l’ambition de voir les footballeurs gérer les affaires du football en Afrique, on espère que Samuel Eto’o fera mieux que Didier Drogba en Côte-d’Ivoire.
Florent Lucien Meyong, Spécialiste en Arbitrage sportif