Annus horribilis. Comment qualifier autrement l’année 2019 du football africain. Jamais je n’avais connu une telle accumulation d’errements, de fautes, d’abandons multiformes. Et ce ne sont pas les acteurs, sur le terrain, qui sont sur le banc des accusés. Non, ce sont les dirigeants qui ne se sont pas montrés à la hauteur de leurs responsabilités. Dans une mesure, que les mois à venir préciseront, ils ont semblé en hibernation totale, incapables de prendre la moindre décision pour sortir du marécage dans lequel s’est lourdement embourbée la Confédération Africaine de Football.
Au début de l’année plusieurs journaux mettaient en cause la gestion financière du Président de la CAF, documents à l’appui. Et puis plusieurs jeunes femmes l’accusaient de harcèlement sexuel. La commission d’éthique de la FIFA a ouvert une enquête dont personne ne sait, au jour où sont écrites ces lignes, si elle se résoudra à faire la lumière que tout le monde attend. La justice française a entendu, en qualité de témoin, sur une partie du dossier, le même président de la CAF. Pour l’heure, silence sur toutes les lignes. L’ancien secrétaire général, licencié au mois de juillet, a alimenté la curiosité des médias et apporté un lot de « révélations » timidement démenties. Si les faits sont avérés, c’est naturellement très grave. Maintenant le plus inquiétant, si l’on se place sur le seul terrain de jeu, c’est cet abandon de poste au bénéfice de la FIFA. Motif invoqué : « on ne sait pas faire ». Ainsi vous pouvez briguer un poste, la fleur au fusil, sans avoir la moindre idée de ce qui vous attend.
Depuis le 1er août 2019 la CAF est sous tutelle de la secrétaire générale de la FIFA, elle-même sous la tutelle du président de l’organisation mondiale, Gianni Infantino, un homme qui n’a pas été pour rien dans l’avènement d’Ahmad Ahmad à la tête de l’organisation africaine. Cette forme de consanguinité est d’autant moins saine qu’on ne sait quels intérêts elle sert, ceux du football africain ou ceux de l’entreprise FIFA qui se paye de mots, de sourires et aussi d’argent pour défendre un football qui se soucie plus de recettes, d’argent que des véritables besoins de l’Afrique. Un exemple : Gianni Infantino a suggéré la création d’une Ligue africaine. « Il faut prendre les vingt meilleurs clubs d’Afrique et les faire jouer dans une ligue africaine », « pour porter le football africain au sommet du monde ». Beaucoup n’ont entendu que les derniers mots. Quelques jours plus tard le « boss » du football mondial s’exprimait sur le projet prêté au président du Real Madrid d’une Super-Ligue fermée en Europe qui regrouperait vingt équipes des cinq grandes ligues européennes. « La FIFA ne soutient aucun projet ». Sauf en Afrique ! On aura sûrement un jour ou l’autre l’opportunité dans reparler.
Insouciance et ignorance des dirigeants. Les finales de la Ligue des champions et de la Coupe de la Confédération ont été émaillés d’incidents, de problèmes d’arbitrage qui ont laissé les responsables de la bonne marche des compétitions sans voix. La Coupe d’Afrique des Nations, épreuve-phare du calendrier, a été décalé des mois de janvier-février à ceux de juin-juillet, en dépit des difficultés climatiques rencontrées dans certains pays. Mais, le plus grave, c’est qu’on n’a tenu aucun compte de la perte d’audience hors continent africain. En hiver il y a peu de concurrence et le football africain avait gagné sa place sur les écrans. L’édition 2019 est passée un peu inaperçue. Ne parlons pas de l’absence du public. Les Egyptiens n’ont jamais porté un intérêt sur le football des autres pays africains en dehors de celui de leurs collègues du Nord. Attention, les tribunes vides sont un fléau qui a essaimé dans tous les pays du continent. J’ai beaucoup regardé ces derniers mois les images des différentes compétitions (en abondance) et j’ai été atterré par ces tribunes désespérément vides, aussi bien pour des matches éliminatoires de CAN que des rencontres de Coupes des clubs, sans parler des épreuves zonales. L’Afrique continent du football, est devenu un mythe, sauf à parler du foot…anglais. Consulter les sites internet, les journaux, Liverpool, Manchester City, Chelsea sont leur quotidien. Le moindre pet d’un de leur joueur ou entraîneur prend des proportions invraisemblables.
Que fait la CAF pour redonner vie et sens au football africain ? Je vous pose la question parce que je n’ai pas de réponse. Elle est aujourd’hui placée dans un coma artificiel. Et personne ne propose jamais rien sauf de gonfler le nombre des équipes dans les compétitions. « On fera plaisir à nos adhérents » ! Par hasard je suis tombé dans une revue suisse, «Tages-Anzeiger», sur une révélation concernant les salaires ou défraiements, je ne sais comment les qualifier, des membres du Conseil de la FIFA. « Ils auraient perçu entre 250 et 300.000 dollars en 2018 pour trois sessions ». Une belle manière de faire taire les réfractaires. Et, si les documents qui m’ont été fournis par l’ancien secrétaire général de la CAF, les membres émargent à 5000 dollars chaque mois, plus les défraiements.
L’argent est le mot-clé. « Le football attire de nos jours deux sortes d’indésirables, ceux qui ont beaucoup d’argent mais utilisent le football pour se faire connaître. Et deuxièmement, il y a des gens qui voient le football comme une opportunité de gagner de l’argent. Au final, c’est le jeu qui est le perdant « », disait il y a quelques jours l’ancien grand maître des finances de la CAF, Suketu Patel. Et, aujourd’hui, la question que beaucoup se posent avec moi est de savoir si on peut encore réussir dans le football en étant Africain sauf à s’exiler en Europe, quitte à opter pour une autre nationalité !!!
Afrique, ton foot fout le camp…
Par Gérard Dreyfus