L’ouvrage « Football camerounais, initiatives controversées » de Pierre Ama et Alain Georges Betsi offre une analyse critique de la gestion du football au Cameroun entre 1993 et 2006. Cette période a été marquée par la présence de plusieurs présidents à la tête de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Les auteurs mettent en lumière les dérives et dysfonctionnements qui ont plombé ce sport-roi, notamment la corruption, le favoritisme et les conflits d’intérêts, qui ont souvent été alimentés par l’ingérence politique et les comportements d’acteurs peu soucieux de l’intérêt général.
« Football camerounais, initiatives controversées » est un essai littéraire à caractère historique. Le livre compte 208 pages et est fragmenté en quinze chapitres. Pendant ces 13 ans, trois présidents ont séjourné à la Fecafoot notamment Pascal Owona, Maha Daher et Iya Mohamed. Accusés pour la plupart pour malversations financières, ces dirigeants affichent des comportements peu catholiques. « Ce qui autrefois suscite la colère sous Pascal Owona récidive sous le magistère de Maha Daher. Vraisemblablement, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ces structures et le mode de fonctionnement se prêtent à des exercices peu recommandables. En cela, plusieurs reprochent à ces dirigeants fédéraux qu’ils se comportent textuellement comme des monarques absolus. Ce qui trahit la réalité et le sens profond des missions précises définies par l’autorité républicaine », déplore l’ouvrage. Et de poursuivre, « le poste de président de la Fecafoot ne devrait pas revenir aux personnes qui au lieu de servir le football se battent plutôt pour y accéder afin de se servir. Ce serait un grand tort pour notre sport-roi », souligne le livre.
Arbitres et présidents de clubs en font partie
Le livre dépeint un paysage où la gouvernance du football est dominée par des figures qui se comportent comme des monarques absolus, priorisant leurs intérêts personnels plutôt que le développement du sport. C’est le cas du match Olympic de Mvolye (OM) et Léopard de Douala le 27 octobre 1993 lors de la demi-finale du Cameroun saison 92-93 a fait sensation. D’où « l’officiel du jour Christophe Tomota produit une prestation hors-norme. Il est cruellement partisan d’une extrême injustice en faveur de l’OM », mentionne l’ouvrage. Dans son aveu manuscrit, l’arbitre a fait mentions des noms de l’entraîneur de l’OM Michel Kaham et de son président Philippe Mbarga Mboa. Ce dernier « m’a envoyé la somme de 200.000 Fcfa insistant pour que je fasse le match à Olympic. J’ai la somme envoyée pour la première fois », précise l’arbitre dans son courrier. L’homme en noir est ainsi « radié à vie des activités liées au football. C’est une décision prise par la commission nationale d’homologation et de discipline de la Fecafoot », mentionne le livre. A en croire l’ouvrage, l’OM a fait pareil lors du championnat pour se frayer le chemin de victoires.
Ingérence
Les interventions des ministres des Sports ont également été décriées pour leur ingérence dans la gestion interne de la fédération. Le 19 janvier 1999, la Fédération Internationale de football association (FIFA) décide de mettre sur pied la Cellule exécutive provisoire (Cep) après la levée de la sanction infligée à la Fecafoot. La Cep avait pour l’une des missions de s’occuper des affaires courantes. Mais des accusations ont été portées sur des personnes appartenant à cet organe transitoire. « Nos hommes qui gèrent la Cep, sous le regard impuissant des membres nommés par le gouvernement mettent tout cela de côté et ne s’occupent que de ce qui est profitable », peut-on lire. En remplacement de Bernard Massoua II, le nouveau ministre des sports Jean Marie Bipoun Woum dissous ce comité de gestion provisoire en juin 95 pour mettre en place un comité de gestion de la Fecafoot. Cette idée est d’ailleurs bien accueillie par le président Maha et d’autres personnalités du football camerounais. Mais il est décrié par l’ingérence du politique. En 2006, le nouveau ministre des sports Philippe Mbarga Mboa s’est acharné contre le patron de la Fecafoot, Iya Mohamed. « N’ayant pas pu fragiliser les principaux dirigeants de la Fecafoot par le blocage des matchs de première division et les appels à la démission du bureau du comité exécutif formulés par certains de ses proches, le Minsep, a décidé de passer à la vitesse supérieure en appelant lui-même Iya Mohamed pour lui demander de démissionner avec son équipe », cite les auteurs dans le livre. Une autre initiative qui vise à déstabiliser le football camerounais.
« En dehors de la passion du football que l’on retrouve chez les responsables administratifs, les footballeurs et ceux qui travaillent pour le football. On a la faiblesse de croire que les différentes crises trouvent leurs origines dans la quête du pouvoir et de l’argent, la prise en considération de l’éthique sportive par une faction des belligérants. Quand cela l’arrange », concluent les auteurs.
Ayouba Nsangou